Une page se tourne à l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire. Au cours d'une assemblée générale extraordinaire tenue hier à la bourse du travail de Treichville, la vieille centrale, excédée par la cherté de la vie, a décidé de rompre d'avec son légendaire syndicalisme de participation, pour frapper fort sur la table.
Ils sont satisfaits, mais ils ne rient pas. Les délégués syndicaux de l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire(Ugtci) viennent d'obtenir ce pourquoi ils se sont déplacés nombreux ce mardi matin. Un mot d'ordre d'arrêt de travail pour protester contre la cherté de la vie et particulièrement la dernière hausse des prix des produits pétroliers. Une grève « d'avertissement » de 48h a été décrétée. Elle débute demain et pourrait être reconduite dès lundi si les autorités n'y prêtent pas une oreille attentive. Malgré cette victoire arrachée à leurs leaders, les syndicalistes quittent l'auditorium de la bourse du travail de Treichville avec la mine des jours de colère. Ils rentrent chez eux comme ils sont vénus. Sur le pied de guerre. Pour eux, la lutte qui vient de commencer s'annonce longue et rude. « Tirez sur nous si vous le voulez, mais sachez aussi que nous ne nous laisserons pas faire. Nous avons notre stratégie », lance à la sortie de la salle, le délégué du Syndicat des agents de la Sodeci (Synasod), à des policiers vénus sécuriser la rencontre.
Il avait tenu les mêmes propos quelques minutes plus tôt au pupitre de cette assemblée extraordinaire, présidée par le secrétaire général Adé Mensah, qui occupait la table de séance avec ses plus proches collaborateurs. Le porte-parole du Synasod, le plus acclamé des 22 intervenants, à aussi mis en garde les dirigeants de l'Ugtci contre toute faiblesse devant le gouvernement : «Vous êtes vous aussi des politiciens et vous êtes rusés. Si nous entamons un mouvement et qu'on vous appelle à des négociations, ne prenez aucune décision sans nous consulter. Nous ne voulons pas vous voir arrêtés devant un écran de télévision pour dire que la grève est finie. N'allez pas leur promettre de nous calmer. Nous n'allons pas vous écouter.» Tous les délégués qui ont pris la parole ont dépeint un tableau très sombre des difficultés vécues par les ménages. Tous ont déploré la paupérisation de la population en dénonçant le train de vie élevé de l'Etat. « Quand il battait campagne, Laurent Gbagbo a dit que la Côte d'Ivoire est riche et qu'il n'est pas normal que les Ivoiriens ne soient pas riches. Il a demandé qu'on lui donne le pouvoir pour qu'il le rende au peuple. Nous lui avons donné le pouvoir et maintenant les Ivoiriens sont devenus plus pauvres que jamais», ajoute un autre intervenant. Au total, les militants de l'Ugtci estiment que le régime en place ne fait rien pour éviter à la population ivoirienne les revers de l'inflation internationale. Mieux, beaucoup pensent que cette situation sert plutôt de prétexte à l'Etat pour augmenter ses recettes au détriment des salariés.
Dans leur majorité, les représentants des syndicats ont exigé un arrêt de travail immédiat, c'est-à-dire, dès ce mercredi, pour contraindre les gouvernants à prendre les mesures idoines. Bien que favorables à l'abandon de la politique du « syndicalisme de participation et de la négociation » qui a toujours singularisé la centrale, les dirigeants ont demandé que l'arrêt de travail ne soit pas immédiat. Ils ont proposé qu'un minimum de procédure soit respecté de peur que l'action soit totalement illégale. Dans la déclaration qu'il avait préparée, le comité exécutif entendait « mobiliser ses membres jusqu'à l'aboutissement des légitimes revendications de l'Ugtci aux fin de la restauration définitive des droits professionnels, économiques et sociaux des travailleurs et des travailleuses». Les délégués voulaient eux un mot d'ordre clair et précis. Ils l'ont obtenu. |
